Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Prestation compensatoire paiements échelonnés et délit d'abandon de famille

Prestation compensatoire paiements échelonnés et délit d'abandon de famille

Le 12 avril 2017
En 2001, Monsieuir X est condamné à verser à son ex-épouse une prestation compensatoire payable par mensualités sur huit ans.
L’article 275 du code civil prévoit que, « lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques».

L'ex-épouse engage des poursuites pénales contre lui pour abandon de famille, lui reprochant de ne pas avoir versé la prestation compensatoire entre le mois de juin 2011 et le 30 septembre 2011.
La cour d’appel le condamne à six mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve et prononce sur les intérêts civils.

Les juges du fond motivent leur choix en insistant sur la mauvaise foi du prévenu. Ils relèvent en effet que ce dernier n’a versé aucune somme d’argent à son ex-épouse alors qu’il exerce le métier de médecin généraliste et qu’il perçoit une somme déclarée de 2 700 € par mois.
En outre, les faits sont commis en état de réitération puisqu’il avait déjà été condamné en 2009 à trois mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant dix-huit mois pour des faits d’abandon de famille commis de décembre 2002 à janvier 2008.
 Pour ces raisons, les juges du fond entrent en voie de condamnation en visant l’article 227-3 du code pénal qui précise que le non-paiement au profit de son conjoint « des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales du titre IX du code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».

Le prévenu forme un pourvoi en cassation.
Le requérant justifie avoir versé à son ex-épouse, entre septembre 2001 et janvier 2014, la somme de 32 039,82 €.
Dans son arrêt rendu en date du 7 septembre 2016 (n° 14-82076), la chambre criminelle de la Cour de cassation considère que la constitution du délit est impossible, sans se référer à aucun des arguments du requérant.
Ainsi, au double visa des articles 227-3 du code pénal et 275 du code civil, elle énonce que, « dans le cas où la juridiction des affaires familiales ordonne le paiement de la prestation compensatoire sous forme de versements périodiques pendant une période déterminée, le délit d’abandon de famille ne peut être constitué pour les défauts de paiement postérieurs à cette période ».
En l’espèce, en raison de l’expiration de la période fixée pour le versement par mensualités de la prestation compensatoire, la cour d’appel ne pouvait retenir la culpabilité du prévenu à la date des faits retenus dans la prévention.
La Cour de cassation avait déjà précisé qu’en cas de renouvellement du refus de paiement et malgré une première condamnation pénale pour abandon de famille, le délit peut se renouveler et justifier de nouvelles poursuites (Crim. 9 févr. 1965, Bull. crim. n° 475).
Le caractère instantané de l’infraction permet en effet son renouvellement à chaque refus de paiement intégral pendant plus de deux mois (Crim. 2 déc. 1998, n° 97-83.671).
C’est d’ailleurs cette jurisprudence qui permet à la cour d’appel de considérer que les faits sont commis en état de réitération.
La possibilité de renouvellement de l’infraction est logique puisque l’élément matériel de l’infraction, à savoir le refus de paiement pendant plus de deux mois, est précisément prévu par le texte qui réprime le fait de demeurer « plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation ». Toutefois, pour la Cour de cassation, le renouvellement de l’infraction est enserré, en cas de paiement de la prestation compensatoire par versements périodiques, dans une condition de délai. Pour pouvoir se renouveler, l’infraction doit être commise avant l’expiration de la période fixée pour le versement par mensualités.
Si la solution s’explique du point de vue de la logique juridique, elle affaiblit, en pratique, la protection pénale du créancier.
Nous savions déjà que celui-ci ne bénéficie pas de la protection pénale de l’abandon de famille en cas non-paiement pendant deux mois non consécutifs, ce qui revient à ne pas pouvoir entrer en voie de condamnation pour les débiteurs qui paient un mois sur deux.
Il faut maintenant ajouter que le créancier n’est pas davantage protégé par l’abandon de famille en cas d’expiration de la période fixée pour le versement par mensualités de la prestation compensatoire.
Nous contacter